C’est en tombant que l’enfant apprend à marcher. Et c’est au cours de l’une de ces nombreuses chutes qu’il se fait la plupart des cicatrices qui marqueront à vie sa chair. Certaines seront plus moches que les autres. Mais elles feront partie de lui, de son histoire, de sa vie.
La maturité est un processus, et non un aboutissement.
La maturité n’est pas innée. Elle est le résultat, non que dis-je, le cheminement d’un apprentissage plus ou moins difficile à certaines étapes de la vie. Oui je pense que la maturité est un processus, pas un aboutissement. Le jeune enfant apprend d’abord à tenir debout en équilibre, pour ensuite marcher en gagnant en assurance. Puis il marchera de plus en plus vite, puis il sera capable de tenir la même allure que les adultes, et même d’avancer beaucoup plus rapidement que certains d’entre eux.
Penses-tu qu’à cet instant, lorsqu’il jettera un coup d’œil sur ses cicatrices, il se dira : « Mais quel con ai-je été ! Pourquoi n’ai pas compris comment faire plutôt ? Cela m’aurait épargné bien des douleurs et toutes ces vilaines cicatrices !«
Je ne le pense pas. Il sera simplement fier d’être enfin capable d’avancer d’un pas autonome, d’une allure assurée. C’est tout ce qui importe finalement.
Alors pourquoi, en ce qui concerne nos vies, nos expériences douloureuses, et ce que nous considérons comme nos échecs, n’arrivons-nous pas simplement à nous dire « Je n’ai pas pu parce que je n’ai pas su » ?
Si j’avais su faire autrement, et beh j’aurais agis autrement.
Nous accumulons des regrets. Nous regrettons de n’avoir pas su tenir bon, agir autrement, de façon plus mâture. Nous nous en voulons d’avoir pris les choses trop à cœur, d’être partis trop tôt, d’avoir fui au lieu de persévérer et de nous battre pour que les choses s’arrangent. Nous nous reprochons d’avoir perdu patience. Nous regrettons et sommes en colère contre nous-mêmes pour avoir été si naïfs, nous être laissés enfumés par de belles paroles, joliment enrobées mais finalement creuses, vides de sens. Ça fait mal lorsque nous y repensons, surtout de cette façon.
Mais ce que nous omettons de voir, c’est cet autre aspect de la situation. À savoir que si on avait su à ce moment là ce qu’il fallait faire, et beh on l’aurait fait. Avec un minimum de bonne volonté bien sûr ! Tout n’est pas excusable !
Combien de temps encore vais-je me rendre malade en pensant à tout ce j’aurai pu faire autrement ? Combien de temps encore vais-je passer à culpabiliser de n’avoir pas su faire ce qu’à cet instant précis j’étais incapable de faire ?
J’espère simplement que maintenant que j’en apprends davantage sur moi-même, sur les pensées et les comportements qui m’ont amenée à commettre certaines erreurs, je saurai en tirer avantage pour arriver enfin à marcher d’un pas plus ferme, d’une allure plus assurée.
Les chutes restent possibles ! Tenir debout ne nous épargne pas de tomber. Mais au moins, nous avons entre temps appris à nous relever pour repartir. Et lorsqu’une aide s’avère nécessaire pour y arriver, nous n’avons pas honte de saisir la main qui nous est tendue à cet instant précis.
Je n’ai pas su. Maintenant je sais. Je veux simplement me relever, et continuer d’aller de l’avant.